Les errances nocturnes et urbaines furent nombreuses et souvent profitables, à Paris comme en d'autres villes, en quête de rencontres viriles principalement, puisque ma vie affective et sexuelle avec les femmes fut presque toujours plus stable et toujours vécue dans l'exclusivité. Marcher la nuit, seul, jeune homme, en quête d'un homme avec qui faire l'amour, que ce soit dans un lit pour quelques fellations confortables et réciproques, ou pour l'honorer d'une sodomie vigoureuse en l'enserrant des deux bras avec ferveur, déambuler ainsi au risque des regards et à l'aventure ne se fait pas, au moins dans les premiers temps, sans angoisse.

La recherche d'hommes avec qui faire l'amour peut se faire de multiples façons. Les lieux de rencontres extérieurs, parcs, aires de repos, rives des fleuves, parkings, y sont propices. Jeune homme, je craignais les agressions, mais je tentai quelquefois l'aventure. Je fus exclusivement actif avec les hommes durant trente ans, ce qui veut dire que je refusais de me faire sodomiser mais avais bien sûr plaisir à pratiquer des fellations. Les lumières bleutées et orangées en contexte urbain, le souffle court dû à l'angoisse, l'érection continue quand la vigueur de la jeunesse ne laisse pas le corps tranquille : tout contribue à érotiser une scène qui sinon serait seulement sordide. Mais une belle silhouette entrevue, un fessier bien serré dans un jean, l'homme qui se met à genoux dans la boue pour vous ouvrir la boutonnière et lécher votre sexe jailli comme une épée enluminent des lieux hantés par l'errance de mâles en quête de soulager leurs désirs. Je me souviens encore d'une aire de repos en bordure de nationale du côté de Dreux où dans les sous-bois à quelques dizaines de mètres de la station service un acolyte de circonstance et moi avons à tour de rôle enculé un routier portugais qui râlait de bonheur à chaque coup de rein accompagnant la pénétration de son anus. Quand nous l'eûmes honoré, nous allâmes tranquillement manger ensemble au restaurant routier d'où à travers les vitres on pouvait voir le ballet régulier des voitures et des camions s'arrêter et leurs conducteurs aller faire un tour dans les sous-bois...